Après une rapide visite l'an passé, l'envie de retourner à Copenhague approfondir sa découverte était devenue une évidence. Mon anniversaire et quelques complicités m'en ont donnée l'occasion en ce début du mois d'avril.
Les fêtes de Pâques sont importantes au Danemark et nombre de restaurants sont fermés. Mais trois incontournables adresses locales nous attendaient, dont le célébrissime Noma où j'avais déjà été invité à partager un magnifique déjeuner en mars 2011. Les deux autres restaurants étaient le Kødbyens Fiskebar et Manfreds, le bar à vins du restaurant Relæ. Et, y compris le grignotage au Royal Café le samedi midi, tout fut remarquable!
La première étape était Noma. Accueil enthousiaste, simple et souriant, dans ce lieu à la fois brut et chaleureux, même table que l'an passé... l'excitation nous gagne... Je m'attaque rapidement à la carte des vins. Immense sélection de Champagne (de vignerons!), de vins du Jura, énormément de vins naturels... J'adore! Un vin de Sologne, l'Originel de Julien Courtois pour commencer... Délice!
Peaux de cochon et d'orange au cassis croustillantes*
Moules bleues au céleri, faussi coquille à l'encre de seiche
Sablés au fromage, roquette et pousses
Crevettes de fjord vivantes, beurre noisette
Pommes de terre et foies de volaille
Pain de seigle, peau de poulet, œufs de poisson*
Foie de morue, lait caramelisé*
Bouillon de canard séché, herbes et œufs de morue*
Filaments de veau frits, algues
Manquent les photos, déjà vues l'an passé, du "malt flatbread" et du radis en sa terre, cette année accompagné de pousse de navet.
Après ces merveilleux "amuse-bouche", les entrées allaient arriver. La bouteille d'Originel étant déjà vide, nous nous régalions alors du délicieux mâconnais Bouchat 2008 de Guy Blanchard, dont on regrette tant qu'il ait choisi d'arrêter de faire du vin...
Céleri, prunelles vertes, groseilles, sapin
Crabe, corail, jaune d'œuf, herbes*
St Jaqcues séchées, noix de hêtre, graines, cresson*
Huitre, algues, groseille vertes, babeurre*
Le jurassien chardonnay 2004 de la maison Overnoy-Houillon accompagnait merveilleusement cette partie du déjeuner au moment où les plats de "resistance" arrivaient...
Chou-fleur et pin, crème et raifort*
Sandre et choux, verveine et aneth
Pickles de légumes, moelle de boeuf*
Turbot rôti, herbes amères, céleri et champignons*
La dernière partie du repas était accompagnée du fabuleux Tavel 2010 d'Eric Pfifferling, au parfum si envoutant qu'on s'en déposerait quelques gouttes à la base du cou...
Un merveilleux déjeuner, tant d'éléments véritablement magnifiques (cherchez les *...), une cuisine d'un magistral équilibre, précise, rafraîchissante, issue d'un réel respect de très beaux produits locaux, et de saison, d'une volonté de les mettre en valeur simplement. S'en est suivi la visite des lieux, un rapide et sympathique échange avec René Redzépi et le souhait de revenir à la fin de l'automne...
Quelques heures plus tard, il fallait un lieu décalé et animé, qui puisse survivre après le "monstre" Noma. Kødbyens Fiskebar était parfait dans le rôle. Situé dans le quartier des bouchers (la traduction du nom serait le Bar à poisson du marché aux viandes), ce lieu plutôt branché est incontournable. Grand bar en plein milieu de la salle, autour duquel on peut s'asseoir ou juste prendre un verre, ambiance très "festive", belle clientèle, cuisine de qualité autour des produits de la mer, bien sûr, mais pas que, cuissons impeccables et carte des vins redoutable (normal, un des associés n'est autre qu'Anders Selmer, ex-sommelier de Noma...). Ils avaient même installé un âtre devant le restaurant, autour duquel les fumeurs pouvaient se retrouver et échanger...
Anders absent, son second, apprenant que je le connaissais et que notre table avait été réservée par l'exceptionnel importateur de vins vivants qu'est Mads "Pétillant" Rudolf (qui fournit toutes la plupart des tables excitantes du Danemark, de Norvège et de Suède...), nous prit en grande sympathie et décida qu'une partie de ce qu'il ouvrait devait transiter par notre table...
Parmi ces "gâteries" figuraient un délicieux Champagne Brut Nature d'Aurélien Laherte et leur belle version "Fiskebar" du Champagne Pierre Gerbais (fournisseur du Vinnouveau Bulles).
Les huitres du Limfjord étaient charnues, excellentes, le tartare de truite impeccable, les poissons (cabillaud, lieu) parfaitement cuisinés, bref, un établissement très hautement recommendable... On en ferait sa cantine!
Du Blanchard, une fois de plus et ce n'est pas fini...
Et du Pfifferling, pour changer!
Le samedi était consacré aux visites (notamment le Dansk Design Center) et au shopping (les incontournables Illums Bolighus et Hay House)... Mais avant de suivre Edimbourg-Stade Toulousain grâce au wi-fi d'un hôtel, il fallait tout de même nous alimenter pour tenir jusqu'au soir... Le Royal Café, situé dans une cour derrière les boutiques de Royal Copenhagen et Georg Jensen, était un lieu parfaitement indiqué. Décor adorable, "smushi" (contraction très libre de smørebrød et sushi) pour certains délicieux (au poulet, surtout!), sourires sympathiques... Très agréable!
Après la décevante défaite de notre équipe de rugby préférée, le dîner allait nous permettre d'oublier, grâce à une belle cuisine et de superbes bouteilles...
Manfreds est le bar à vins de l'étoilé Relæ (les étoiles ou macarons, cela dit, on s'en fiche éperdument). Un lieu brut, simple mais chaleureux. Un menu "imposé" avec des légumes, un tartare de bœuf, un plat de poisson et un de viande, fromage et dessert. Une carte des vins superbe, pour les amateurs de vins naturels que nous sommes, en tout cas!
Nous avons entamé les débats avec un Champagne pur pinot meunier 2006 d'Aurélien Laherte, délicieux. Les bouteilles vont ensuite arriver en masse, sur les conseils avisés d'Ulf Ringius, le sommelier suédois de Relæ, fermé ce soir là.
Perrières 2007 de Guy Blanchard
Organdi de Gaelle Berriau (chenin de Loire oxydatif)
Chi Wa Wa (raisins de Chiroubles de Jean-Luc Gauthier vinifiés par Jean-Marc Brignot)
Les bulles de Guy Blanchard accompagnaient avec bonheur deux superbes fromages danois.
Les plats de légumes, notamment de délicieux topinambours cuits longuement au four, étaient remarquables, le tartare de bœuf splendide, les plats de viande (échine de porc) et de poisson (merlu) tout à fait impeccables par la précision des cuissons, l'assaisonnement et la qualité des produits. Et les fromages locaux étaient superbes et parfaitement affinés.
Les promenades dans cette belle ville, sa douceur, l'accueil et le sourire de ses habitants, son climat... varié (en deux journées, il a fait beau, plu, neigé...) et sec, l'esprit qui y règne rendent Copenhague très attirante. Comme l'an passé, l'hébergement chez Karina Hooper, dans son "appartement-chambres d'hôtes" The Pea Blossom a été un bonheur. Un must pratique, très sympa et agréable à prix tout doux!
Une prochain voyage est envisagé à la fin de l'automne avec une incursion en Suède pour aller rendre visite à Magnus Nilsson dans son incroyable ferme perdue (au milieu de 10 000 hectares de landes, bois, lacs...), le Fäviken Magasinet. J'en salive d'avance...
Et un grand merci à Marc Grand d'Esnon et Mads Rudolf, sans lesquels ce séjour n'aurait pas eu la même saveur...
Noma: Strandgade 93, 1401 Copenhague K, tél: +45 3296 3297, noma@noma.dk (réservations sur le site www.noma.dk ou par téléphone selon le système suivant: ouverture des réservations le premier lundi du mois 1 pour les tables du mois 1 + 3, soit, par exemple, le lundi 7 mai pour les tables du mois d'aout).
Kødbyens Fiskebar: Flæsketorvet 100, 1711 Copenhague V, tél: +45 3215 5656, réservations sur le site Kødbyens Fiskebar
Manfreds: Jægersborggade 40, 2200 Copenhague N, tél: +45 3696 6593, e-mail: booking@manfreds.dk
Fäviken Magasinet: Fäviken 216830 05 Järpen tel: +46 (0)647 40177, e-mail: info@favikenmagasinet.se, site: Fävikens Magasinet
Imaginez une grosse maison blanche posée à un jet de bouteille de la Méditerrannée sur une plage que le béton n'a pas défigurée, des produits magnifiques (qu'ils soient crustacés, mollusques, poissons, viandes, légumes) remarquablement préparés, une carte des vins impressionnante avec une liste de Bourgogne comme on n'en voit jamais, et tout ça à des tarifs d'une immense douceur... Imaginez que, début octobre, après un bain dans une eau à température plus qu'agréable et un peu de "lézardage" au soleil, vous puissiez juste traverser la rue et aller déguster de magnifiques gambas de Palamos avec un Meursault Tessons de Roulot ou un tataki de veau avec un Clos Goillotte de Prieuré-Roch! Ça existe, c'est sur la plage de Sant Pol, à San Feliu de Guixols, sur la Costa Brava.
Carlos Orta Cimas, ancien DJ habitué des folles nuits d'Ibiza ou New York, est un amoureux fou du vin et de la Bourgogne en particulier. Et un sacré cuisinier, sachant allier recherche des meilleurs produits de sa région, simplicité et finesse. Sans oublier sa générosité!
Alors, quand vous êtes six amis autour d'une table (en compagnie notable de deux célèbres vignerons champenois...) et qu'il ouvre le feu, les plats et les bouteilles défilent pour votre plus grand plaisir. Ce soir-là, Carlos nous gratifia de thon (dont une magnifique préparation de "filet" à peine saisi en versant de l'eau bouillante), de gambas, calmar, maquereau en sashimi, denti, veau... Un régal!
Restaurant Villa Mas, Passeig de Sant Pol 95, San Feliu de Guixols (Girona), Espagne
Téléphone: +34 972 82 25 26
Prenez une propriété viticole sise dans un lieu magnifique de Provence, à quinze kilomètres au nord d'Aix en Provence, un Irlandais (très) fortuné, passionné par l'art contemporain (j'y inclus l'architecture) et aimant le vin, un vigneron agenais ayant fait depuis quinze ans ses preuves dans le vignoble de Cahors, secouez bien le tout et vous obtenez l'incroyable lieu qu'est le Château La Coste...
Le rayon vin, c'est Mathieu Cosse qui s'y colle. 125 hectares de vermentino et sauvignon (avec un zeste de chardonnay) pour les blancs, grenache noir, syrah et cabernet-sauvignon pour les rouges et rosés, tout ça converti en bio-dynamie! Sacré challenge!... Et les résultats commencent à se faire sentir. Jolis blancs, rouges denses et fruités, rosés frais et croquants. A suivre de près.
Le rayon art est ahurissant! Imaginez, pour la partie architecture: les cuveries et chais dessinés pas Jean Nouvel, le centre d'accueil (et un peu plus dont une très belle réinterprétation d'une petite chapelle romane) par Tadao Ando, le pavillon de musique par Franck Gehry, en attendant les interventions de Renzo Piano et Oscar Niemeyer! Les sculptures sont de Calder, Sugimoto, Louise Bourgeois, Scully, Tunga, Goldsworthy, West, Othoniel, Stipe, Gillick, Serra, Paul Matisse, Miyajima, Shannon, Guggi, Coilin, Höller et Rocha, et bientôt celles de Kirkeby et Murakami... Un véritable musée en pleine nature, ouvert au public!
Visite fortement conseillée! Un hôtel très haut de gamme et un restaurant gastronomique verront le jour à l'avenir. En attendant, voici quelques photos de ce petit paradis...
Et si vous vous arrétez à Aix en Provence, allez vous régaler de la cuisine et des vins de Christine Charvet au Carton Rouge!
Château La Coste, 2750 Route de la Cride, 13610 Le Puy Sainte Rèparade, tél: 04 42 61 92 90
Le Carton Rouge, 7, rue Isolette, 13100 Aix en Provence, tél: 04 42 91 41 75
La plaine de Troyes depuis le coteau de Montgueux
Les vins de Champagne, vaste sujet... On trouve dans cette région beaucoup de viticulteurs, qui ne font pas de vin, se contentant de vendre leur récolte aux grandes maisons, que tout le monde connait trop bien et une minorité de vignerons (les récoltants-manipulateurs, code RM sur les étiquettes de Champagne), dont une petite frange de terroiristes à tendance naturelle, n'utilisant pas de chimie de synthèse, évitant les intrants dans leurs vins, hormis une petite dose de soufre.
Il m'a récemment été donné d'aller y faire un petit tour, pour rendre visite à des copains avec lesquels je travaille déjà et deux avec lesquels je souhaiterais collaborer. Il va sans dire que les vins de tous ceux auxquels j'ai rendu visite, au domaine, dans cet article, sont soumis à allocation et donc très limités en quantité disponible...
Au retour de Vinicircus, cette merveille de salon vigneron sous chapiteau, organisé à Hédé, en Bretagne, par le magnifique Antony Cointre, je me suis précipité à Aÿ, où se tenait une très intéressante dégustation de vignerons, proches de leur terroir et respectueux de leurs sols et plantes, Terres et Vins de Champagne. J'y retrouvais mon ami Mads Rudolf, éminent spécialiste de la région (et auteur, avec sa charmante épouse Mia, de ce qui est probablement le livre le plus complet et didactique sur les vins de Champagne, que j'espère voir publié en français et anglais avant la fin de l'année...) et importateur de vins naturels au Danemark. Mads avait organisé ce voyage pour un groupe de sommeliers danois et suédois, auquel je me suis joint. Je croisais aussi ce jour-là Linda Milagros Violago, sommelière canadienne de haut niveau ayant exercé à Mugaritz, Trio (à Malmoe, hélas fermé), Viajante, à Londres, et bientôt aux commandes de la cave de In de Wulf, du remarquable Kobe Desramaults, en Belgique, dont je rêve de découvrir la cuisine...
Le temps m'étant compté, je n'ai pu goûter tous les vins présentés, d'autant plus que le second intérêt du salon était de permettre de déguster les vins clairs (vins ayant terminé leur fermentation alcoolique mais n'ayant pas encore subi la deuxième fermentation amenant à la prise de mousse), ce qui augmentait d'autant le nombre d'échantillons... Mes bons souvenirs? Les vins d'Olivier Horiot, du domaine éponyme sis aux Riceys, très typés, et sa cuvée 5 sens (cinq cépages: pinot noir, pinot meunier, chardonnay et les plus rares pinot blanc et arbanne); les micro-cuvées parcellaires d'Alexandre Chartogne (Domaine Chartogne-Taillet à Merfy), des vins ayant un vraie personnalité, alors que je suis moins fan des cuvées traditionnelles du domaine goûtées il y a quelques temps; les vins des frères Laherte, issus d'une mosaïque de 76 parcelles reparties sur dix villages; et bien sûr, les très jolis vins de Francis Boulard et de sa fille Delphine, les Murgiers, les Rachais, Petraea. David Léclapart n'étant pas présent en personne, je n'ai pas regoûté ses vins que je connaissais déjà et que j'avais beaucoup appréciés.
L'après-midi allait se poursuivre chez Jérôme Prévost, à Gueux, ville célèbre pour son circuit automobile sur lequel se couraient les 12 heures de Reims et les Grand Prix de France de F1, de 1950 à 1966. Aujourd'hui, c'est pour le vin de Jérôme, Les Béguines, qu'on y vient... Le travail à la vigne est sa passion et son respect des sols et des plantes est sa règle. Son but est de privilégier un écosystème le plus naturel possible. Au côté de son désormais célèbre pur pinot meunier très peu dosé, est venu s'ajouter Fac Similé, un rosé, vineux et assez puissant, qui fait merveille à table... Une petite verticale de blanc de noirs démontrait l'excellence de ses vins. C'est si bon de savoir que Vinnouveau bénéficie d'une jolie allocation...
Mads et Jérôme, à l'heure de l'apéro...
Mais, chez Jérôme, la dégustation, c'est bien, on va à la vigne, au chai, et, l'heure avançant, faut passer aux choses sérieuses, notamment à l'apéro... Valette, Barral, Allemand, que des bouteilles de bon goût!
Après un sympathique dîner en famille et une nuit réparatrice chez les Prévost, en route pour l'Aube et les jolis coteaux de ce qui serait presque la Bourgogne du Nord.
Première halte chez Bertrand et Hélène Gautherot, à Buxières sur Arce. Certifié bio, le domaine Vouette & Sorbée est devenu une référence dans le monde des vins de Champagne naturels. Trois cuvées sont proposées: Blanc d'Argile, pur chardonnay, Fidéle, un blanc de noirs, et Saignée dee Sorbée, un joli rosé très vineux. Blanc d'Argile est une superbe cuvée, fraîche, droite, complexe. Fidéle est, comme d'habitude, un bon plaisir... Le pique-nique devant le chai, arrosé de quelques bouteilles maison, fut un moment bien agréable! Ah, si Hélène pouvait me céder un peu plus de Blanc d'Argile... Il reste toutefois du vin sur la boutique en ligne.
Quel bois vient de la vigne de Bertrand?
A quelques kilomètres de là, Thierry de Marne nous attendait devant le petit bâtiment abritant son chai. Avec son épouse, Valérie, ils ont débuté en vinifiant leur premier millésime chez les Gautherot. Et les bouteilles de leurs deux cuvées, Lalore (blanc de blancs) et Goustan (blanc de noirs) se sont arrachées... Il faut dire qu'ils ont particulièrement bien réussi leur coup, ces deux-là! Et ce qui sera disponible l'automne prochain est très prometteur... Et, je ne regrette pas d'avoir fait partie des heureux "découvreurs" du domaine!
Dernière halte de la journée: Emmanuel "Manu" Lassaigne et ses bombes... Le domaine est située sur la colline de Montgueux (autrefois appelé le Montrachet de Champagne), dominant la plaine troyenne et la vallée de la Seine (photo en haut de page). Manu a eu une première vie professionnelle avant de revenir au domaine familial. Bien lui en a pris... Ses vins sont splendides! J'avoue un grand faible pour la Colline Inspirée... Et, promis, Manu me trouvera un peu de vin!
Après avoir "goûté" (c'était déjà l'heure de l'apéritif et Manu ouvrait, avec sa générosité légendaire, bouteille sur bouteille pour notre plus grand plaisir), il nous emmena découvrir le seul clos de l'Aube, le Clos Sainte Sophie, d'où il tire une cuvée de très belle qualité qui verra prochainement le jour. Le lieu est incroyable avec ses séquoias géants et son verger en terrasses planté d'arbres fruitiers datant de la fin du 19è siècle... On y avait fait, à l'époque, des essais sur toutes sortes de cépages et certains de ces bois ont été emportés par deux japonais qui les ont utilisés pour créer les premiers vignobles de leur pays!
Et ensuite? A Troyes, si vous voulez bien manger et très bien boire, vous allez où? Aux Crieurs de Vins, pardi... Manu était bien entendu avec nous. Et les bouteilles défilèrent...
Notre dernière visite, le lendemain matin, allait se transformer en bouquet final chez Cédric Bouchard, à Celles sur Ource. Quel choc! La dégustation m'a mis dans les cordes... Après les cuvées Inflorescence (Valvilaine 2008 et La Parcelle 2003), superbes, les cuvées Roses de Jeanne (Les Ursules 2008, Haute Lamblée 2006, Pinot Blanc 2006 et Creux d'Enfer 2004) sont absolument magnifiques de finesse, élégance, profondeur et complexité, avec une bulle incroyablement fine. Impressionnant! Et atrocement difficile à trouver, le domaine Roses de Jeanne dépassant à peine un hectare... Mais, mon petit doigt me dit que d'ici quelques mois... Enfin, rendez-vous sur la newsletter de www.vinnouveau.fr pour en savoir plus à ce moment-là!
Merci à Mads Rudolf pour cette belle balade en Champagne, à la fois très intéressante, pleine de surprises, de convivialité et de fous rires!...
Et, lors de ma prochaine visite, promis, je vous emmène chez Selosse.
Région de tradition viticole, le Roussillon a vu, au cours de la dernière décennie, l'éclosion d'une nouvelle génération de vignerons venus de différentes régions, apportant avec eux une nouvelle vision de cette "tradition", mettant en avant terroir et qualité des cépages locaux. En voici un petit tour d'horizon...
En décidant de quitter son domaine de Davejean, dans les Corbières, pour venir s'intaller à Banyuls sur Mer, Alain Castex devenait un pionnier. Car il était le tout premier à produire des vins natures en Roussillon. C'était fin 1994. Certes on connaissait déjà la "lutte raisonnée", certes certains avaient encore une approche très "traditionnelle" de la viticulture, appliquant des recettes ancestrales qui ne connaissaient guère la chimie de synthèse. Mais de là à vinifier sans ajouter la moindre dose de soufre, se refuser à tout intrant, tout travailler à la main sans la facilité et le confort qu'apportent les désherbants, fertilisants... Les rendements sont faiblissimes, les coûts de revient très importants en raison du nombre d'heures colossal passées à la vigne. Les gens du cru prenaient Alain et Ghislaine, sa compagne, pour des fous (c'est toujours le cas). Aujourd'hui, leurs vins sont vendus chez les meilleurs cavistes et sont sur de grandes tables à travers le Monde. Et les rouges 2010, Le Soula et El Nino, dégustés récemment sont d'une élégance, d'une pureté et d'une fraîcheur admirables... Nul doute que leur blanc, régulièrement exceptionnel, sera d'un niveau équivallent.
Leur plus proche voisin est Bruno Duchène. Originaire de la région de Cheverny, copain d'enfance de Thierry Puzelat, lui aussi est arrivé avec l'envie de faire des vins purs et frais. Il est arrivé dès son premier millésime, 2002. Sa cuvée La Pascole, dans ce millésime, est aujourd'hui une bouteille extrêmement recherchée, à juste titre tant sa qualité est exceptionnelle. Bruno, qui a réalisé de superbes vins depuis, a eu une petite baisse de régime récemment, mais si la nature le lui permet, ses 2011 seront certainement de retour sur le devant de la scène...
Situé au pied des Albères, près du Boulou, le domaine de Jean-François Nicq, les Foulards Rouges, est devenu un des plus réputés et recherchés de la planète des vins "natures". Autrefois directeur de la cave coopérative d'Estézargues, dans le Gard, Jean-François y avait secoué les mentalités en convertissant les adhérents au bio. Et aux vinifications sans soufre et sans intrants. Une première! Depuis son premier millésime, 2002, sa production est d'une qualité et d'une constance remarquables. Les 2010 sont éblouissants de finesse et de fraîcheur, que ce soit en blanc ou rouge. Et son rosé est un vrai bonheur. La cuvée Frida photographiée, du millésime 2008, a été dégustée récemment et je suis très heureux d'en avoir gardé quelques magnums...
L'autre célèbre zone de production de vins de qualité du département des Pyrénées Orientales se trouve sur les coteaux sud bordant la vallée de l'Agly. Ces terroirs d'une certaine altitude (pouvant aller jusqu'à 700 mètres) ont la caractéristique d'avoir des températures moins élevées et donc d'être plus propices à la fraîcheur de fruit.
C'est ici que l'on trouve trois autres têtes d'affiche du renouveau des vins du Roussillon.
Cyril Fhal, né en région parisienne et ayant fourbi ses armes en Anjou, est certainement un des vignerons au travail le plus précis à la vigne comme au chai. Installé en 2004, il a depuis produit des vins d'une très grande qualité. Son blanc, issu de maccabeu est splendide et les rouges, Jeunes Vignes et Vieilles Vignes, issus de carignan et grenache, sont délicieux. Le sommet de sa production est l'exceptionnelle cuvée de cinsault L'Ubac, issue d'une parcelle du même nom, à la pente vertigineuse, orientée au nord et incroyablement exigeante en terme d'heures de travail.
A quelques kilomètres de là, deux vignerons de grand talent se partagent le bâtiment qui abritait auparavant la cave coopérative de Lansac. Le premier arrivé, en 2003, est Loïc Roure. A l'origine, il voulait ouvrir un bar à vins... Quelques stages chez des vignerons (Thierry Allemand, Géral Oustric...) plus tard, il avait trouvé sa vraie vocation. Loïc, c'est un bosseur, mais version "tranquille", plus jouisseur qu'ermite, le fondateur du "Jajakistan"... De son Domaine du Possible on se régale de sa cuvée "C'est pas la mer à boire" et, de son activité de négoce, le délicieux "Tout bu or not tout bu". Sans oublier le reste de sa production...
L'autre occupant des lieux est Edouard Laffitte, qui avait succédé à Jean-François Nicq à la tête de la cave coop d'Estézargues. Arrivé en 2004, son Domaine du Bout du Monde a été créé en 2005. Sa progression permanente l'a amené a produire ces dernières années de splendides cuvées. La Luce 2009, dégustée à l'aveugle au restaurant "Une Ile" à Angers (chez les merveilleux Catherine et Gérard Bossé) a été un choc. Le 2010 est peut être encore plus beau...
Il serait injuste de passer sous silence le travail admirable de Laurence "Yoyo" Manya-Krief, dont les vins ont atteint un niveau d'excellence admirable (magnifique blanc "Restaké", superbe rouge "La Tranchée"). Mais aussi les vins de Stéphane Morin (Domaine Léonine), d'Isabelle Frère (Domaine Le Scarabée), de Frédéric Rivaton (domaine éponyme), de Philippe Wies (La Petite Baigneuse), de Jean-Sébastien Gioan (Potron Minet), de Jean-Louis Tribouley (domaine éponyme), de l'équipe du domaine Ribérach, de Marjorie Gallet (Le Roc des Anges) et de son époux Stéphane (superbes Maury du Domaine Terre de Fagayra)...
Pour finir, je souhaiterais citer le nouveau projet de Dominique Hauvette, qui, à l'occasion de ses visites à ses chevaux dans les montagnes catalanes, a découvert quelques jolies vignes du côté de Tarerach et dont les premiers jus sont magnifiques, à la hauteur du merveilleux travail qu'elle effectue à Saint Rémy de Provence. Et avoir une pensée pour Fabien Mérono, qui nous a quittés beaucoup trop tôt...
Casot des Mailloles, 17 avenue du Puig del Mas, Banyuls sur Mer, 04 68 88 59 37. http://www.vinnouveau.fr/boutique/index.php?ibaction=list&search=Casot
Bruno Duchène, 3 rue Jean Bourrat, Banyuls sur Mer, 04 68 88 06 94. http://www.vinnouveau.fr/boutique/index.php?ibaction=list&search=Duch%E8ne
Les Foulards Rouges, 10 chemin du Roi, Montesquieu des Albères, 06 88 11 83 02. http://www.vinnouveau.fr/boutique/index.php?ibaction=list&search=Foulards+Rouges
Clos du Rouge Gorge, 6 place Marcel Vié, Latour de France, 04 68 29 16 37. http://www.vinnouveau.fr/boutique/index.php?ibaction=list&search=Clos+du+Rouge+Gorge
Domaine du Possible, 13 avenue des Platanes, Lansac. 04 68 92 52 78. http://www.vinnouveau.fr/boutique/index.php?ibaction=list&search=Domaine+du+Possible
Domaine du Bout du Monde, 24, place de la République, Lansac. http://www.vinnouveau.fr/boutique/index.php?ibaction=list&search=Domaine+du+Bout+du+Monde
On a beau connaitre New York, bénéficier d'un guide tel que Philippe "Fifi" Essome, co-propriétaire du fameux bar à vins du Lower East Side "Ten Bells", est un gage de bons moments...
Faut dire que le Fifi, les restos sympas, les lieux un peu décalés, ils les connait aussi bien que l'ensemble de la production de vins natures de la planète! Et qu'il aime autant goûter aux deux.
Notre première escale se trouvait à Long Island City, à courte distance du PS1, l'annexe locale du Moma. Un "diner" où officie un Québécois, Hugue Dufour, qui fut le brillant chef du Pied de Cochon à Montréal. M.Wells , comme Marlow and Sons à Brooklyn, est un diner typique, avec son habillage métallique, son long comptoir ouvert sur la cuisine, tout en longueur, comme un wagon de train.
La carte reprend des standards des diners, réinterprétés par le chef. Et avec Fifi, on goûte à (presque) tout! Le hot-dog, dont la saucisse, délicieuse, est produite par un Français (!), l'os à moelle aux escargots, le hamburger, dont la viande est un mélange de bœuf et agneau, la langue de porc, un jambon cru maison superbe... Un vrai régal!
Et de belles portions! Côté vin, il y avait de quoi faire aussi... Notre dernière bouteille, un Bourgogne-Vézelay blanc du Domaine de la Cadette nous a vallu un moment sympathique lorsque nous avons vu débarquer le coupable de ce bon plaisir, Jean Montanet, accompagné de Mathieu Lapierre, tous deux en tournée aux Etats Unis! Le hasard faisait bien les choses...
Quelques heures plus tard, les mêmes étaient au Ten Bells, chez Fifi, pour se rafraîchir le gosier avec une Loirette, pendant que nous éclusions consciencieusement leurs échantillons.
Je devais les retrouver deux jours plus tard en pleine dégustation à Chambers Street Wines, une cave hautement recommandable!
Fifi ayant retrouvé son appétit, il m'embarqua à Brooklyn pour aller diner chez Roman's, le restaurant italien d'Andrew Tarlow et Mark Firth, propriétaires de Marlow & Sons. Pour tout dire, j'ai été un peu déçu... Très bonnes pâtes, certes mais viandes très en retrait, ce qui est suprenant chez eux. Peut être n'étais-je pas très en forme? Les vins allaient bien, pourtant, avec comme verre d'accueil, offert par le maître des lieux, la délicieuse malvoisie à bulles de Camillo Donati et de bonnes choses de chez Mosse, Arena, Maule, Denavolo, Arianna Occhipinti, Elisabetta Foradori... Bon moment tout de même.
Le lendemain midi, il fallait calmer un peu le jeu avant la tempête à venir au dîner... Fifi me fit donc découvrir Ippudo, restaurant japonais ramen très couru de Manhattan, près d'Astor Place. Coup de bol, notre attente, prévue pour 40 minutes, se transforma en cinq, à peine... Les soupes, le ramen, y sont délicieuses, copieuses et très nourrissantes, les buns au porc confit remarquables. Une paire de bières Asahi pour faire passer le tout et nous voilà prêts à affronter l'attente pour le dîner...
Photo Eliott Black/NYMag
Dans le courant de l'après-midi, j'allai rejoindre ma sœur dans sa maison de Carroll Garden, à Brooklyn, pour nous rendre à vélo avec son mari à la jolie cave à vins de Michael Yarmark, Thirst Wine Merchants, à Fort Greene. Joli choix de vins français (Elodie Balme, Lapierre, Richaud, Lassaigne, Barral, Magnon, Puzelat, Villemade, De Moor, Houillon, Derain, Guy "P'tit Max" Breton...), italiens (Occhipinti, Cornelissen, Maule...) et même un rare "nature" US, Donkey & Goat.
Le soir, retour au choses sérieuses: le bar à vins du même Michael Yarmark, Thirst Bar A Vins, situé dans un ancien garage d'une zone "industrielle" de Prospect Heights... Si les environs ne sont pas très engageants, le lieu est clair, aéré, immense et plutôt accueillant et les Michael adorable. Cuisine sympa, os à moelle (à la mode à NY...), burrata, viandes et grosse carte des vins... y compris de la Chut' Derain, du Chablis des De Moor, du Plouplou d'Emmanuel Houillon et des magnums de Morgon Vieilles Vignes 2009 de Guy Breton! Autant dire qu'on n'a pas fait le voyage pour rien...
Photo Randy Harris/Le Fooding
Les deux jours suivants étaient consacrés à la famille, ce qui nous donna l'occasion de goûter un formidable tajine d'agneau "maison" lors d'un beau déjeuner bien arrosé...
Vouvray "Dilettante" de Breton, SP68 blanc et rouge d'Arianna Occhipinti, Bota de Manzanilla d'Equipa Navazos, Barbera 2007 de Cappellano...
Après ce déjeuner familial, le dimanche soir était bien entendu consacré au "Sunday Night Special" du Ten Bells... Fifi avait commencé à m'agacer en fin d'après-midi en m'envoyant des sms m'informant des bouteilles qu'il ouvrait... Lorsque que j'arrivai dans son antre, c'était un Rouchefer 2004 de chez Mosse qui m'attendait, absolument délicieux. Nous decendimes ensuite à la cave prendre une Valinière 2007 de Didier Barral, qui éxigeait un bon coup de carafe. En attendant, un Patapon 2009 de Christian et Nathalie Chaussard, un véritable régal, nous tint compagnie... Les lasagnes de Paul, le nouveau chef du "Ten" étaient superbes. Le dimanche soir, hormis les "tapas", on y sert un plat du jour, qui aurait pu être tripes ou le formidable cochon de lait rôti. Faut dire que Fifi a son réseau de fournisseurs de produits d'excellente qualité. La Valinière 2007, bue en fin de soirée, était trop jeune mais superbe et d'un grand potentiel...
Et c'est ainsi que se terminait cette petite balade à New York. Merci à Fifi, à son équipe (David, Jorge, Paul...), à l'ami Gregory, mon hôte, à Toto et Phil et la famille...
M.Wells: 21-17 49th Avenue (21st Street), Long Island City, Queens; (718) 425-6917, mwellsdiner.com. Facile d'accès depuis Grand Central Station (2 stations), descendre à Hunters Point. Gros buzz (encensé par le NY Times...), tenter au déjeuner...
Ten Bells: 247, Broome Street, Manhattan. (212) 228-4450, http://thetenbells.typepad.com/
Roman's: 243, Dekalb Avenue, Fort Greene, Brooklyn, (718) 622-5300, http://romansnyc.com/
Chambers Street Wines: 148, Chambers Street, Manhattan,(212) 227-1434, http://www.chambersstwines.com/
Ippudo: 65, Fourth Avenue (between 9th and 10th Street), Manhattan, (212) 388-0088, http://www.ippudony.com/
Thirst Wine Merchants: 187, Dekalb Avenue at Carlton, Fort Greene, Brooklyn, (718) 596-7643, http://thirstmerchants.com/
Thirst Bar à Vins: 629, Classon Avenue (@ Pacific Street), Prospect Heights, Brooklyn, (718) 857-9227, http://thirstbar.blogspot.com/
Texte de Dominique Techer, vigneron au Château Gombaude-Guillot, à Pomerol.
Hallucinations à Pomerol en Gironde
Dominique Techer, Président d’Agrobio Gironde, Administrateur de la FNAB :
"Le mardi 8 septembre 2009 avait lieu la réunion technique de pré-vendange de l’appellation Pomerol. Exercice rituel où le syndicat convoque pour un semblant de vie collective des vignerons (et beaucoup de régisseurs) qui ne viennent plus pour la plupart que pour se voir communiquer le rendement maximal autorisé pour l’année. Difficile dans de telles dispositions d’aborder des questions essentielles.
Un premier intervenant résume rapidement l’année, sa climatologie et quelques caractéristiques analytiques du raisin. Il aurait pu aborder la question de l’élévation continue des degrés alcooliques potentiels du raisin et des problèmes que cela pose pour continuer à faire un vin de Bordeaux. Mais non, rien de tout cela, juste le service minimum.
L’intervenant suivant, un œnologue, entame alors un exposé sur la vinification. Et là, ça devient tout à fait surréaliste, sauf sans doute pour les esprits que l’œnologie moderne a déjà totalement remodelés.
L’exposé débute par la nécessité impérieuse de levurer. On entend alors une mise en garde lourde : « Ne prenez surtout pas le risque d’une fermentation sauvage ! ». « Sauvage » se trouve là par référence à levures « indigènes », non civilisées, non maîtrisées, non reformatées par la modernité et donc source d’une peur sourde et irrationnelle. « Sauvage » nous renvoie à l’indigène en pagne avec l’os dans le nez et la lance à la main. Brrr !!!
Après nous avoir fait frémir de crainte, l’œnologue nous invite à pénétrer dans le monde merveilleux de l’œnologie conquérante, où la maîtrise sur la nature est totale et où l’incertitude est traquée jusque dans les moindres recoins. Il nous conseille de sulfiter de plus en plus au fur et à mesure du remplissage de nouvelles cuves, car, voyez-vous, le chai est de plus en plus « contaminé » par les premières fermentations. Une telle peur des processus naturels évoquerait facilement une déviation névrotique si on ne percevait quelques préoccupations mercantiles. Après une telle mise en garde, on a du mal à croire que des hommes aient pu faire du vin pendant quelques dizaines de siècles sans tout cet arsenal.
Très en verve, il lance ensuite un super concept : « le copeautage » dont il se félicite de l’autorisation et vante les puissants mérites. Bien entendu, nous avons aussi eu droit aux enzymes pectolytiques indispensables de nos jours, au tanisage aux vertus multiples, aux mannoprotéines, à la technique de la « double inoculation » (qui évoque plus un hôpital qu’une vigne ensoleillée sur le plateau de Pomerol), à l’utilisation massive de glace carbonique (et motus sur l’impact carbone) et à bien d’autres choses encore que l’on a surtout envie d’oublier. Pour un peu, les bons de commande étaient distribués dans la salle.
Suite à l’intervention d’une viticultrice sur « l’expression du terroir dans tout ça », la réponse fuse : « je vous donne les outils, vous êtes libres d’en faire ce que vous voulez !». On se pince pour se réveiller. Aurais-je déjà usé et abusé du Pomerol ? Mais non, ce spectacle désolant se déroule bien réellement au sein d’une appellation prestigieuse, mais dont on se demande si elle pourra le rester bien longtemps avec une vision aussi agro-alimentaire du vin.
Qu’un syndicat, qu’un ODG puisse livrer ainsi ses adhérents en pâture aux appétits d’une œnologie lancée dans une telle transe normative, témoigne bien de la déliquescence d’une certaine éthique. L’AOC, l’expression du terroir, les usages francs, loyaux et constants, « c’est de la littérature ! » pour reprendre les mots d’un éminent responsable local, dont on taira le nom par charité chrétienne. On aurait préféré voir une appellation comme Pomerol trouver la force de défendre l’expression du terroir et de refuser l’aromatisation du vin. Car si sur ce terroir historique et mondialement connu, cela n’est pas défendu, alors où donc ? La renommée implique des devoirs.
Cela est révélateur d’élites totalement désorientées, incapables d’une cohérence minimale, adeptes de la « pensée faible », cherchant à apposer la griffe Hermès sur du pur Tati, mais qui, pourtant, veulent absolument garder en main le gouvernail du vaisseau bordelais ! Sur quels récifs finira donc ce bateau ivre ?"
Quelle raison d'aller à Avallon? Il y a peu, je n'aurais su répondre... Mais depuis deux ans, un trublion est venu hanter le coin. Il s'appelle Nicolas Vauthier, connu dans le milieu sous le surnom de Kikro. Après avoir fait partie du gang des "Crieurs de Vins" à Troyes, il a créé une petite structure de négoce dénommé Vini Viti Vinci qui lui a valu d'être fiché en tant que dangereux producteur de vins trop bons pour ne pas être bus...
Ce terrible personnage est lié à une bande d'autres délinquants issus de régions viticoles diverses et variées, se réunissant une fois l'an lors de rassemblements connus sous le redoutable patronyme de "Chai l'un, Chai l'autre"...
Les coupables organisateurs ont pour nom Jean Montanet, opérant à Vézelay, Thomas Pico, redoutable terroiriste, et le sinistre couple Alice et Olivier De Moor, les Bonnie and Clyde du Chablisien...
Comme je l'écrivais, leur bande s'étend partout. Certes on y trouve quelques éléments issus de la Bourgogne ou du Beaujolais, tels les terribles Dom Derain, parrain local, ou Jean-Claude "Le Chat" Chanudet, mais aussi d'effrayants maraudeurs tels le provençal Comor, les ligériens Thierry "La Puze" Puzelat, Christian "Chau-chau" Chaussard et sa "douce" Nana ou leur parrain, le terrifiant Renato "Americano" Moss, le golgoth du Jura Fanfan "P'tit Lapin" Ganevat, le sorcier champenois Manu "Le Dégorgeur" Lassaigne...
Tous ces individus sont hautement dangereux et totalement infréquentables. Les produits qu'ils pourraient vous proposer sont hautement adictifs. Trop bons, trop évidents, trop faciles... On trouve autour d'eux quelques personnages tout aussi peu recommandables, des artisans tel Manu "Saucisse au couteau" Chavassieux, des tenanciers de gargottes tels Cyril "Verre Volé" Bordarié ou Jean-Mi "Screamers" Wilmes, ou encore un "prescripteur de ces drogues dures" qu'est l'épouvantable Marc "Grand Démon"...
Cette mission de repérage, extrêmement risquée, a été menée à son terme, malgré de redoutables blessures. C'est qu'il est impossible d'échapper aux charmes ensorceleurs de leurs vins... Ce fut terrible. Mais, promis, à mes risques et périls, j'y retournerai!...
Depuis son départ de l'Agapé, il y a de ça plus d'un an, on suivait à distance ses tribulations. Théo Pourriat, un des trois compères de cette nouvelle aventure (qui est en charge de la cave et de la salle) me donnait quelques nouvelles... En début d'année, ça chauffait et enfin, au cours d'un apéro à l'Avant Comptoir de l'ami Camdeborde, l'adresse était lâchée! Une petite visite sur le chantier début avril et enfin, le 29 du même mois, voici le tout premier dîner...
Le lieu est simple, brut, chic, dépouillé. J'aime. Théo et son équipe assurent en salle, efficaces, légers, complices, décontractés. J'aime aussi. La cave va bien. Mâcon-Chaintré de Valette, Morgon 3.14 de Foillard, un peu de Roussillon avec le C'Est Pas La Mer A Boire de Loïc Roure à la régalade en finale...
Et l'assiette? "In your face"! Percutante! C'est frais, équilibré, vivant, excitant, délicieux... Beaux produits, super cuissons, assaisonnements parfaits. C'est précis, hyper digeste, enthousiasmant. On voudrait que ça ne s'arrète pas! Le menu "gastro", deux entrées, un poisson, une viande, dessert, est parfait. Et change sans cesse, au gré du marché et des envies de Bertrand Grébaut, tout jeune chef surdoué. Ce soir là, carpaccio de veau, puis, œuf, champignons, asperges, bouillon, avant le Saint Pierre au lard de la Colonnata (cf. photo) et un beau porc noir gascon...
La seule question, grave, qui se pose en sortant de ce lieu magique, c'est: "On y retourne quand?"...
Restaurant Septime, 80, rue de Charonne, 75011 Paris, 01 43 67 38 29. A noter le menu du midi à 24€...
Vinicircus c'est génial. S'entendre proposer par ce merveilleux vigneron qu'est Dominique Derain de l'accompagner déjeuner chez Olivier Rœllinger à Saint Méloir des Ondes, c'est la cerise sur le gateau...
Et c'est ainsi, qu'en ce dimanche 17 avril 2011, je me suis trouvé embarqué avec Julien Altaber, le bras droit du "Dom" (et vigneron: Sextant, c'est lui) et l'ami Marc G, direction la baie de Cancale, pour aller à la rencontre de cette cuisine dont j'avais tant entendu parler sans jamais l'avoir goûtée.
A l'arrivée dans ce hâvre de paix, nous avons tout d'abord déchargé quelques cartons de vin du domaine Derain dans la cave du restaurant. Ce qui permettait de se faire une bonne idée de la sélection... Dard Ribo, Barral, Allemand... Prometteur!
La marée était basse, Dominique se demandait qui avait vidé la baie et si on pouvait la remplir avant de passer à table...
Les amuse-gueule nous ont été servis dans le jardin. Gaylord, le jeune sommelier fana de vins naturels, nous servit le remarquable Terre de Silice de Reynald Héaulé, collaborateur du grand vigneron solognot Claude Courtois.
Le temps était merveilleux, le vin délicieux, la compagnie extrêmement agréable, les amuse-gueule splendides... Tout était réuni pour un grand moment!
Nous avions décidé de prendre le grand menu "Au gré du vent et de la lune", reprenant certains des grands plats emblématiques d'Olivier Rœllinger.
Les vins, étaient proposés par le sommelier, dont les goûts sont proches des notres. Mais gare à la faute...
Carré d'Agneau de Pré-salé aux cocos de Paimpol
Résultat? Superbe... Tous le plats étaient déliceux, les produits d'une très grande qualité, les cuissons précises, les assaisonnements impeccables... Seuls les cocos étaient quelque peu en retrait, quelque peu passifs... Un très beau moment, en tout cas! Le plateau de fromages était magnifique et le chariot des desserts impressionnant. Et si bon! Même si je ne suis un fou de sucre...
Les vins étaient remarquablement bien choisis. Après le Terre de Silice, un The White 2008 de Patrick Bouju splendide, minéral et profond, un superbe Chablis 1er cru Montmains 2008 de Thomas Pico, démontrant à quel point la nouvelle vague de Chablis (avec les De Moor) peut faire vaciller les "stars" de l'appellation, un Saint Joseph blanc 2006 de Dard Ribo magnifique, riche et élégant à la fois, vinrent nous combler. Le rouge choisi était un peu en retrait face à ces merveilles.
Le retour à Vinicircus réservait d'autres bonheurs. Mais ce moment passé chez Monsieur Rœllinger restera gravé... Merci!