La plaine de Troyes depuis le coteau de Montgueux
Les vins de Champagne, vaste sujet... On trouve dans cette région beaucoup de viticulteurs, qui ne font pas de vin, se contentant de vendre leur récolte aux grandes maisons, que tout le monde connait trop bien et une minorité de vignerons (les récoltants-manipulateurs, code RM sur les étiquettes de Champagne), dont une petite frange de terroiristes à tendance naturelle, n'utilisant pas de chimie de synthèse, évitant les intrants dans leurs vins, hormis une petite dose de soufre.
Il m'a récemment été donné d'aller y faire un petit tour, pour rendre visite à des copains avec lesquels je travaille déjà et deux avec lesquels je souhaiterais collaborer. Il va sans dire que les vins de tous ceux auxquels j'ai rendu visite, au domaine, dans cet article, sont soumis à allocation et donc très limités en quantité disponible...
Au retour de Vinicircus, cette merveille de salon vigneron sous chapiteau, organisé à Hédé, en Bretagne, par le magnifique Antony Cointre, je me suis précipité à Aÿ, où se tenait une très intéressante dégustation de vignerons, proches de leur terroir et respectueux de leurs sols et plantes, Terres et Vins de Champagne. J'y retrouvais mon ami Mads Rudolf, éminent spécialiste de la région (et auteur, avec sa charmante épouse Mia, de ce qui est probablement le livre le plus complet et didactique sur les vins de Champagne, que j'espère voir publié en français et anglais avant la fin de l'année...) et importateur de vins naturels au Danemark. Mads avait organisé ce voyage pour un groupe de sommeliers danois et suédois, auquel je me suis joint. Je croisais aussi ce jour-là Linda Milagros Violago, sommelière canadienne de haut niveau ayant exercé à Mugaritz, Trio (à Malmoe, hélas fermé), Viajante, à Londres, et bientôt aux commandes de la cave de In de Wulf, du remarquable Kobe Desramaults, en Belgique, dont je rêve de découvrir la cuisine...
Le temps m'étant compté, je n'ai pu goûter tous les vins présentés, d'autant plus que le second intérêt du salon était de permettre de déguster les vins clairs (vins ayant terminé leur fermentation alcoolique mais n'ayant pas encore subi la deuxième fermentation amenant à la prise de mousse), ce qui augmentait d'autant le nombre d'échantillons... Mes bons souvenirs? Les vins d'Olivier Horiot, du domaine éponyme sis aux Riceys, très typés, et sa cuvée 5 sens (cinq cépages: pinot noir, pinot meunier, chardonnay et les plus rares pinot blanc et arbanne); les micro-cuvées parcellaires d'Alexandre Chartogne (Domaine Chartogne-Taillet à Merfy), des vins ayant un vraie personnalité, alors que je suis moins fan des cuvées traditionnelles du domaine goûtées il y a quelques temps; les vins des frères Laherte, issus d'une mosaïque de 76 parcelles reparties sur dix villages; et bien sûr, les très jolis vins de Francis Boulard et de sa fille Delphine, les Murgiers, les Rachais, Petraea. David Léclapart n'étant pas présent en personne, je n'ai pas regoûté ses vins que je connaissais déjà et que j'avais beaucoup appréciés.
L'après-midi allait se poursuivre chez Jérôme Prévost, à Gueux, ville célèbre pour son circuit automobile sur lequel se couraient les 12 heures de Reims et les Grand Prix de France de F1, de 1950 à 1966. Aujourd'hui, c'est pour le vin de Jérôme, Les Béguines, qu'on y vient... Le travail à la vigne est sa passion et son respect des sols et des plantes est sa règle. Son but est de privilégier un écosystème le plus naturel possible. Au côté de son désormais célèbre pur pinot meunier très peu dosé, est venu s'ajouter Fac Similé, un rosé, vineux et assez puissant, qui fait merveille à table... Une petite verticale de blanc de noirs démontrait l'excellence de ses vins. C'est si bon de savoir que Vinnouveau bénéficie d'une jolie allocation...
Mads et Jérôme, à l'heure de l'apéro...
Mais, chez Jérôme, la dégustation, c'est bien, on va à la vigne, au chai, et, l'heure avançant, faut passer aux choses sérieuses, notamment à l'apéro... Valette, Barral, Allemand, que des bouteilles de bon goût!
Après un sympathique dîner en famille et une nuit réparatrice chez les Prévost, en route pour l'Aube et les jolis coteaux de ce qui serait presque la Bourgogne du Nord.
Première halte chez Bertrand et Hélène Gautherot, à Buxières sur Arce. Certifié bio, le domaine Vouette & Sorbée est devenu une référence dans le monde des vins de Champagne naturels. Trois cuvées sont proposées: Blanc d'Argile, pur chardonnay, Fidéle, un blanc de noirs, et Saignée dee Sorbée, un joli rosé très vineux. Blanc d'Argile est une superbe cuvée, fraîche, droite, complexe. Fidéle est, comme d'habitude, un bon plaisir... Le pique-nique devant le chai, arrosé de quelques bouteilles maison, fut un moment bien agréable! Ah, si Hélène pouvait me céder un peu plus de Blanc d'Argile... Il reste toutefois du vin sur la boutique en ligne.
Quel bois vient de la vigne de Bertrand?
A quelques kilomètres de là, Thierry de Marne nous attendait devant le petit bâtiment abritant son chai. Avec son épouse, Valérie, ils ont débuté en vinifiant leur premier millésime chez les Gautherot. Et les bouteilles de leurs deux cuvées, Lalore (blanc de blancs) et Goustan (blanc de noirs) se sont arrachées... Il faut dire qu'ils ont particulièrement bien réussi leur coup, ces deux-là! Et ce qui sera disponible l'automne prochain est très prometteur... Et, je ne regrette pas d'avoir fait partie des heureux "découvreurs" du domaine!
Dernière halte de la journée: Emmanuel "Manu" Lassaigne et ses bombes... Le domaine est située sur la colline de Montgueux (autrefois appelé le Montrachet de Champagne), dominant la plaine troyenne et la vallée de la Seine (photo en haut de page). Manu a eu une première vie professionnelle avant de revenir au domaine familial. Bien lui en a pris... Ses vins sont splendides! J'avoue un grand faible pour la Colline Inspirée... Et, promis, Manu me trouvera un peu de vin!
Après avoir "goûté" (c'était déjà l'heure de l'apéritif et Manu ouvrait, avec sa générosité légendaire, bouteille sur bouteille pour notre plus grand plaisir), il nous emmena découvrir le seul clos de l'Aube, le Clos Sainte Sophie, d'où il tire une cuvée de très belle qualité qui verra prochainement le jour. Le lieu est incroyable avec ses séquoias géants et son verger en terrasses planté d'arbres fruitiers datant de la fin du 19è siècle... On y avait fait, à l'époque, des essais sur toutes sortes de cépages et certains de ces bois ont été emportés par deux japonais qui les ont utilisés pour créer les premiers vignobles de leur pays!
Et ensuite? A Troyes, si vous voulez bien manger et très bien boire, vous allez où? Aux Crieurs de Vins, pardi... Manu était bien entendu avec nous. Et les bouteilles défilèrent...
Notre dernière visite, le lendemain matin, allait se transformer en bouquet final chez Cédric Bouchard, à Celles sur Ource. Quel choc! La dégustation m'a mis dans les cordes... Après les cuvées Inflorescence (Valvilaine 2008 et La Parcelle 2003), superbes, les cuvées Roses de Jeanne (Les Ursules 2008, Haute Lamblée 2006, Pinot Blanc 2006 et Creux d'Enfer 2004) sont absolument magnifiques de finesse, élégance, profondeur et complexité, avec une bulle incroyablement fine. Impressionnant! Et atrocement difficile à trouver, le domaine Roses de Jeanne dépassant à peine un hectare... Mais, mon petit doigt me dit que d'ici quelques mois... Enfin, rendez-vous sur la newsletter de www.vinnouveau.fr pour en savoir plus à ce moment-là!
Merci à Mads Rudolf pour cette belle balade en Champagne, à la fois très intéressante, pleine de surprises, de convivialité et de fous rires!...
Et, lors de ma prochaine visite, promis, je vous emmène chez Selosse.